« Prisonniers en terre d’exil » : exposition au musée du Masque de fer et du Fort Royal sur l’Île Sainte-Marguerite

« L’île Sainte-Marguerite au temps de la conquête de l’Algérie, 1841-1884. » une exposition jusqu’au 29 octobre 2023.

L’exposition inaugurée le 8 juillet dernier par David Lisnard, maire de Cannes, en présence de l’historienne Anissa Bouayed et du commissaire de l’exposition, Christophe Roustan Delatour, apporte un éclairage sur un pan de « micro-histoire » franco-algérienne méconnue et occultée : la détention au Fort Royal de plusieurs milliers de prisonniers maghrébins lors de la conquête française de l’Algérie entre 1841 et 1884.

Le projet lancé en 2019 par la mairie de Cannes s’est poursuivi jusqu’à ce jour en toute discrétion. Eu égard à la sensibilité du sujet, il a été minutieusement et scientifiquement mené dans le but de rendre au lieu sa dignité et d’y favoriser le recueillement, la contemplation et la compréhension des faits historiques.

Ernest Buttura (1841-1920) Prisonniers musulmans à l’île Sainte-Marguerite.  Huile sur toile. 52 x 127 cm.

Toutes les composantes de cette exposition particulièrement émouvante ont bénéficié d’une attention soutenue tant sur la qualité du propos que sur l’iconographie des objets et des documents exposés.

Arabes prisonniers à l’Île Sainte-Marguerite

Leur pertinence a été validée par un comité́ scientifique formé de trois spécialistes (Thierry Fabre, Sylvie Thénault et Anissa Bouayed). La sélection des œuvres et des documents présentés permet d’évoquer divers aspects de la vie quotidienne des prisonniers sur l’Île Sainte-Marguerite.

Documents originaux, photographies d’époque et œuvres d’art issus de plusieurs fonds d’archives et collections publiques et privés relatent en cinq salles, sur 140 m2, l’emprisonnement et la vie en exil de plus de trois mille hommes, femmes et enfants, dont deux cent soixante-quatorze d’entre eux ne retrouvèrent jamais la liberté́.

Ils reposent aujourd’hui dans des tombes anonymes dans un sous-bois ombragé de la côte au nord de l’île.

« Consciente de l’intérêt majeur du site, la municipalité et l’artiste algérien Rachid Koraïchi souhaitent rendre la dignité au site et le respect dû aux défunts par l’installation d’une plaque commémorative avec leurs noms. Le cimetière sera un espace de recueillement par une intervention artistique qui lui redonnera son caractère sacré. »

Saluons ici la très belle muséographie grâce au travail des deux artistes en résidence sur l’Île Sainte-Marguerite :

Cimetière Musulman, île Sainte Marguerite, Cannes, 2023

Le photographe-auteur Franck Pourcel-auteur qui nous transmet en deux séries de clichés « Retrouvailles :Terre et Ciel » et « Traces »
l’atmosphère particulière qui règne sur l’Île au fil des saisons de même que la reconnaissance des lieux où plusieurs prisonniers algériens furent portraiturés lors de leur détention, par les artistes et photographes actifs à Cannes (Buttura, Walburg de Bray, etc.)

Jacques Ferrandez : l’Art de la reconstitution historique

De son coté, l’illustrateur de renommée internationale Jacques Ferrandez, s’est attaché à reconstituer par le dessin et la peinture trois scènes emblématiques de la vie quotidienne des prisonniers au cours des années 1841-1843.
Pour mémoire, l’artiste est auteur d’une célèbre bande dessinée consacrée à l’Algérie (Carnets d’Orient).

Les femmes de la famille de Bel Kharoubi, logées dans la cellule du Masque de fer en 1843

Assia Djebar, L’amour, la fantasia (1985)  
Dans son roman « L’amour, la fantasia », la célèbre écrivaine algérienne Assia Djebar (1936-2015), membre de l’Académie française, évoque à travers les dires de son aïeule le récit familial des Berkani, dont une centaine de membres furent exilés à Sainte-Marguerite.

Fort Royal – Îles-lerins©SEMEC-Kelagopian


Je t’imagine, toi, l’inconnue, dont on parle encore de conteuse en conteuse, au cours de ce siècle qui aboutit à mes années d’enfance.
Car je prends place à mon tour dans le cercle d’écoute immuable, près des monts Menacer…
Je te recrée, toi, l’invisible, tandis que tu vas voyager avec les autres, jusqu’à l’ile Sainte-Marguerite,
dans des geôles rendues célèbres par « l’homme au masque de fer ».
Ton masque à toi, ô aïeule d’aïeule la première expatriée, est plus lourd encore que cet acier romanesque!
Je te ressuscite, au cours de cette traversée que n’évoquera nulle lettre de guerrier français…

Fort Royal-Prison du Masque de fer ©P. Elliott

À propos
Outre son importance stratégique, le Fort Royal servit également de prison d’État sous l’Ancien Régime, puis de prison militaire. L’internement arbitraire y était de mise. Pendant plus de deux siècles, des centaines de prisonniers anonymes ou célèbres se succédèrent dans les cellules du fort : pasteurs protestants devenus hors-la-loi après la révocation de l’Édit de Nantes (1685), jeunes nobles mis à l’écart à l’insistance de leur famille, mamelouks de Napoléon, une partie de la Smala de l’émir Abd el- Kader… ainsi que le mystérieux « Homme au masque de fer », incarcéré pendant onze ans (1687-1698) dans le bâtiment principal du fort, qui abrite aujourd’hui le musée.

Les salles du rez-de-chaussée (citernes du Ier siècle) et de l’étage présentent un ensemble archéologique exceptionnel provenant des fouilles de l’île (habitat de l’âge du fer, cryptoportique et mur monumental romains) et de ses abords sous-marins (épave romaine de la Tradelière et épave sarrasine du Batéguier)
Un espace dédié aux expositions temporaires s’ouvre sur une vaste terrasse dominant la mer, face au littoral cannois offrant un panorama grandiose sur les Alpes du Sud, le Cap d’Antibes et l’Estérel.

Musée du Masque de fer et du Fort Royal jusqu’au 29 octobre 2023.
Restez connectés pour des animations sur le site de la ville de Cannes
Renseignements & Réservations au 04 89 82 26 26

Voir aussiLe Grand Jardin de l’ïle Sainte-Marguerite

© Photos Ville de Cannes – Paule Elliott – Franck Pourcel – Jack Ferrandez
© Channel Riviera 2023. Tous droits réservés

Chers parents, amis, relations professionnelles de Paule Elliott

 

Paule Elliott, notre maman, nous a quittés dans la nuit du 30 décembre 2023, à Cannes, ville qu’elle aimait tant, des suites d’une maladie au développement fulgurant, qui nous a tous pris de court.

Ce départ si rapide est à l’image de ce que fut sa vie, un grand tourbillon d’énergie.

Née à Tunis le 11 août 1940, ayant vécu tour à tour aux Etats-Unis puis au Zimbabwe, c’est sur la Côte d’Azur qu’elle s’est établie pour ne plus la quitter.

A la suite d’expériences professionnelles variées, ayant le goût des belles choses, elle s’est lancée en 1989 dans l’entreprenariat en fondant la société Sassandra qui créait, fabriquait et commercialisait des collections d’accessoires textiles destinées aux hôtels de luxe de la région azuréenne.
Cette expérience dura quelques années, jusqu’aux prémices du phénomène d’internet.

Toujours habitée par une joie intérieure, avide de connaissances et voulant transmettre la beauté des lieux, des œuvres d’art sous toutes leurs formes, faire connaître les talents de chacun, et dotée d’une grande intuition, comprenant bien avant beaucoup le potentiel de la technologie du numérique, c’est avec un associé que fut créé tout d’abord Saint-Paul Web en octobre 1997, depuis le village de Saint-Paul de Vence, puis vint en juillet 2000 la création de la web-tv Channel Riviera, devenue un « webzine ».

Et c’est seule aux commandes, jusqu’au déclenchement de sa maladie qui l’a emportée en deux mois, qu’elle a relevé le défi de ce webzine d’une qualité éditoriale et iconographique unique et très personnelle, qui mettaient en valeur les talents de tous les acteurs culturels, touristiques, gastronomiques d’une des plus belles régions de France.

La Côte d’Azur a été l’écrin de cette aventure et elle n’a eu de cesse d’en explorer toutes ses facettes, notamment du point de vue de la gastronomie, des grands hôtels, de la musique, des expositions, des évènements sportifs, des salons professionnels, bref tout ce qui peut représenter l’Art de Vivre et parler de la Beauté et du Dynamisme de cette merveilleuse région dont elle appréciait tous les aspects.

C’est grâce aux multiples rencontres et aux liens tissés avec chacun de vous tout au long de sa vie, si précieux pour elle, qu’elle a pu mener ce beau projet.

Elle travaillait à ses textes intensément, les ciselait inlassablement, tentant toujours de restituer des moments uniques, tour à tour joyeux, festifs, précieux, fascinants, émouvants et photographiait chaque instant d’émerveillement, afin de restituer tout cela au plus près de ce qu’elle vivait et ensuite les faire voyager depuis son site et les partager avec le plus grand nombre.
Par ailleurs, les échanges amicaux et professionnels sur les réseaux sociaux renforçaient son goût pour l’humour et l’écriture.

Nous nous acheminons vers la fin de ce semblant de biographie en évoquant André Verdet qu’elle avait eu l’occasion de rencontrer à Saint Paul de Vence, dont elle appréciait les œuvres poétiques, picturales, en transcrivant ici une phrase qui nous semble bien lui correspondre :

« Toute Etoile porte en rêve un Soleil dans le cœur… » André Verdet *

 

Elle était la vie même, un jaillissement perpétuel.

Et terminons notre missive par cette phrase qui lui allait si bien et dont elle s’était servie pour présenter ses vœux de l’année 2022 :
« La Vie est la plus belle des Fêtes » – Julia Child

 

L’aventure de Channel Riviera se termine et le site voguera un certain temps encore, avant de refermer ses portes.

Un très très grand merci pour votre fidélité.

Bien amicalement et affectueusement à vous tous,

Claude, Caroline et Vanessa, ses enfants

Natasha, Annette, Camille, Cécile, Matthieu, ses petits-enfants

Henri, son beau-fils


Film de D. Ziv : André Verdet : Seul l’espace s’éternise – Part 1 https://youtu.be/qUUQDiuJqsc?si=XesQ3KTfRnNhx6rz